Dr. Fatou Ndiaye Badiane, coordinatrice du Programme national de lutte contre les Maladies Tropicales Négligées (MTN)

2 janvier 2020

« Un engagement national est fondamental pour une lutte efficace contre les MTN "

La coordonnatrice du Programme national de lutte contre les Maladies Tropicales Négligées (Mtn), Dr. Fatou Ndiaye Badiane mesure la portée et la pertinence de l'apport des Ong comme Speak Up Africa dans la lutte contre les maladies précitées. Speak Up Africa apporte son soutien dans le plaidoyer pour la mobilisation des ressources financières internes en faveur de la croisade contre ces maladies. Mais Dr Fatou Ndiaye Badiane est convaincue que cette lutte ne peut pas être gagnée sans une appropriation au niveau national. 

Pouvez-vous nous faire le point sur la lutte contre les Maladies Tropicales Négligées (MTN) au Sénégal ? 

Les Maladies Tropicales Négligées (MTN) sont endémiques au Sénégal depuis des dizaines d'années. La lutte a été ardemment menée, c'est ce qui a permis d'éliminer la lèpre, l'onchocercose dans les régions de Tambacounda et de Kédougou. L'onchocercose était appelée cécité des rivières. Elle a été maîtrisée. Mais à un moment donné avec les résultats qui étaient satisfaisants, il y a eu un relâchement dans la prise en charge de ces maladies du fait de plusieurs raisons. Il y a le fait qu'on a priorisé le paludisme, le Vih/Sida, et la tuberculose d'une part et d'autre part il n'y a pas assez de financements qui ont accompagné ces programmes de lutte contre ces maladies. Nous sommes au 21ème siècle, dans un pays qui aspire à l'émergence, on s'est rendu compte que ces maladies ne sont pas encore totalement maîtrisées. Nous avons des maladies prioritaires avec un objectif d'élimination à savoir le trachome, la filariose lymphatique, la lèpre, c'est vrai que nous avons atteint ce seuil national d'élimination pour la lèpre, mais il y a une persistance des disparités, ce qui fait que c'est une maladie encore prioritaire. A côté de cela, nous avons la rage qui est maladie tropicale négligée responsable d'une mortalité pour le moment non estimée. Mais nous savons que c'est une maladie qui tue les enfants toutes les trente minutes selon l'OMS. A cela, nous pouvons ajouter certaines affections dermatologiques. Il s'agit de la gale et la leishmaniose cutanée entre autres qui continuent toujours d'affecter les populations vulnérables. Ces dernières n'ont pas accès souvent aux services d'hygiène, d'assainissement, aux services d'eau potable. Elles n'ont pas accès aux services socio-sanitaires de base. 

L'année dernière, il a été relaté dans la presse une recrudescence de la bilharziose au Sénégal. Qu'en est-il ?  

La bilharziose est endémique dans la Vallée du fleuve Sénégal à cause de l'eau des barrages. Cette endémicité est aussi due au fait que ces populations sont toujours au contact avec ces points d'eau. Parfois c'est la seule source d'eau disponible dans ces localités. Nous sommes en train de mettre en œuvre des stratégies notamment la distribution de masse des médicaments, le traitement des cas. Mais nous nous rendons compte que cela ne suffit pas. Il faut régler les problèmes de comportements, améliorer l'accès à l'eau potable, renforcer la sensibilisation pour le changement de comportements. En réalité les enfants sont réinfectés six mois après leur traitement. La bilharziose est à l'origine des complications terribles parfois méconnues des populations. Parmi ces complications, il y a le cancer de la vessie à l'âge adulte. C'est la première cause du cancer de la vessie. Il faudra alors limiter les cas d'infections. 

Aujourd'hui est-ce que le gouvernement du Sénégal a pris conscience qu'il faut plus de financement, qu'il faut se remobiliser contre ces maladies ?    

Il y a un regain d'intérêt sous l'impulsion de l'OMS, des partenaires et des firmes pharmaceutiques pour éliminer ou contrôler ces maladies. Le ministère de la Santé du Sénégal s'est aussi engagé dans cette dynamique. Le département de la santé a mis en place de nouveaux programmes qui sont dotés de ressources humaines, de locaux, de logistique roulante pour faciliter leur fonctionnement. Toutefois il existe des lacunes énormes. C'est pour cela que nous avons élaboré trois plans stratégiques. Cela traduit la volonté de l'Etat d'éliminer ces maladies. Ces plans ont été en partie exécutés. Il faut le dire que leur mise en œuvre souffre d'une insuffisance de financements. Nous avons priorisé certains aspects qui sont mis en œuvre. Les partenaires nous accompagnent dans la distribution de masse de médicaments pour combattre la filariose lymphatique et du trachome. Cette activité se mène dans toutes les zones où ces maladies sont endémiques. 

Nous avons aussi une composante communication. Cette activité a été timidement menée parce que pour les populations, ces maladies n'existent plus. Mais en tant que professionnels de santé, nous savons que ces maladies n'ont pas disparu. Par conséquent, nous avons l'obligation de renforcer la communication, la sensibilisation des populations afin qu'elles adoptent des comportes responsables. Il y a aussi la collaboration multisectorielle parce que ce sont des maladies pour lesquelles, les déterminants sont aussi des problèmes d'accès à l'eau, l'hygiène, la pauvreté, l'accès à l'assainissement, aux soins de santé. Par conséquent, il faut des synergies d'actions avec les autres secteurs pour une lutte plus efficace contre ces maladies. 

Justement quel est l'apport des Ong dans la lutte contre ces maladies ? 

Les Ong sont en train de nous appuyer dans le financement pour la distribution de masse de médicaments, dans les activités de formation mais aussi dans le plaidoyer pour la mobilisation des ressources financières pour la mise en œuvre de certaines activités. Les Ong ont un rôle déterminant en termes d'appui. Elles apportent parfois un appui technique et financier. 

Parlez-nous de votre partenariat avec Speak Up Africa ? 

Speak Up Africa fait partie de nos partenaires. Speak Up Africa nous appuie dans le plaidoyer. C'est un partenariat qui vient à son heure. Nous sommes en train d'élaborer et de mettre en œuvre trois plans stratégiques avec beaucoup de lacunes identifiées dans la mise en œuvre. Ces lacunes sont liées au manque de ressources financières et humaines. Speak Up Africa est en train de nous appuyer pour la mobilisation des ressources étatiques et domestiques en faveur de la lutte contre les Maladies Tropicales Négligées ( Mtn). Si nous voulons lutter efficacement et durablement contre ces maladies, il faut d'abord qu'il y ait un engagement national. C'est vrai que les Ong sont en train de nous appuyer, mais il faut une appropriation du pays, des institutions étatiques pour la mise en place d'un budget permettant d'exécuter les activités du programme. 

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